En 2009, la Suède prenait la présidence du Conseil de l’Union Européenne. Au plus fort de la crise économique, les priorités étaient nombreuses et l’actualité riche. Au milieu de toutes ces urgences, d’autres thématiques n’étaient pas oubliées, notamment celle du Genre. On connaît tout l’intérêt que les pays Scandinaves portent à ces thèmes.
Une étude est diligentée. Elle est confiée à une structure hébergée par l’Union Européenne qui est spécialisée dans cette lénifiante activité qui consiste à écrire de longs rapports. Cette structure se nomme le « Réseau Eurydice » et il est chargé de fournir de l’information sur les systèmes éducatifs européens ainsi qu’une analyse de ces systèmes et des politiques menées en la matière. Ce réseau regroupant et coordonnant de nombreuses structures nationales, est géré par l’Agence exécutive «Éducation, Audiovisuel et Culture» de l’UE, située à Bruxelles, qui élabore ses publications et bases de données.
Périodiquement, le Réseau Eurydice publie des rapports thématiques (il y en a d’autres : des chiffres clefs, des bilans, des listes de faits ; il y en a plein, c’est leur métier : ils tapent des rapports). Les rapports thématiques peuvent concerner le sport, la citoyenneté, la crise économique, les savoir fondamentaux, tout cela en lien avec les politiques d’éducation de l’Union Européenne. Et donc, en 2009, sous l’impulsion de la Suède, une étude est publiée : « Différences entre les genres en matière de réussite scolaire : étude sur les mesures prises la situation actuelle en Europe ». En mars 2009, la Commission européenne avait lancée « Europe 2020 », une stratégie pour une croissance « intelligente, durable et inclusive ». L’Union européenne définissait ainsi l’éducation comme une partie fondamentale de sa stratégie de croissance. Elle va dans le sens de la massification de l’enseignement : en 2020, 40% des jeunes générations devraient obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur ou équivalent. D’autres existent, des myriades d’objectifs. Pour les atteindre, l’Europe veut des études claires afin de rendre ses politiques efficaces. Une manière simple de faire en sorte d’arriver à ces objectifs est d’assurer un égal accès de tous à l’éducation. Les études de genre sont alors toutes trouvées : tout le monde va étudier, garçons et filles ; et, par la même occasion, les stéréotypes de genre seront abolis, des Directives germeront qui seront votés par quelques députés dont nous n’avons jamais entendus parler et finiront par s’imposer aux Etats, puis à nos enfants.
On voit là se dessiner une dynamique : des impulsions deviennent des études, ces études irriguent ensuite des décisions. Ces décisions, sont des convictions, des projets pour l’avenir. Pour les rendre efficaces, on en fait des lois. L’important, c’est l’impulsion primordiale : ici, la Suède briguant la Présidence du Conseil de l’Union Européenne.
Sous la Présidence suédoise, les questions d’égalité des genres étaient rangées avec les questions de discrimination et sous la Présidence suédoise. La Commission a pu soumettre une proposition de directive visant à offrir aux femmes plus de facilités pour démarrer et gérer une activité économique ainsi qu’à améliorer la situation des conjointes collaboratrices. À la fin de l’année 2009, le Conseil a également discuté de la manière dont la dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes pouvait être renforcée dans la suite de la coopération européenne en faveur de la croissance économique, d’une augmentation du taux d’emploi et d’un renforcement de la compétitivité.
L’apothéose est à dater du 16 et du 17 novembre lorsque s’est tenue la troisième édition du « Sommet européen sur l’égalité » auquel ont participé environ 300 personnes, dont des ministres, des représentants d’organismes officiels nationaux agissant pour l’égalité et d’organisations non gouvernementales européennes, ainsi que des partenaires sociaux. On se rencontre, on discute, on s’extasie sur ce que fait l’autre, on lève les sourcils, on porte des toasts, on exhibe son badge avec sa photo que l’on porte autour du cou, on fait prendre des notes à sa secrétaire et on rentre chez soi pour taper son rapport et essayer d’influer ensuite sur la vie des Etats.
Nous allons nous intéresser au rapport : Comment un rapporteur procède-t-il pour taper un rapport ? Il commence par se documenter sur la question et en produit une synthèse. Cette synthèse lui permet de dégager les grands principes qui font consensus à propos des études de Genre. Il lui permet également de brosser à grand traits la situation sur le terrain. Toutes les sciences sociales sont donc passées en revue et on en tire les grandes lignes. On choisit des fondations bien stables, sur lesquelles tout le monde s’accord pour être certain que le travail qui sera livré ne pourra pas être remis en question. Bref, on ne prend pas de risques.
Voici les points de consensus retenus par les rapporteurs, ils sont tous issus de la longue gestation des recherches menés sur le genre ces quarante dernières années.
• L’importance des stéréotypes sexistes.
• Le Genre est seulement l’un des facteurs ayant un impact sur les résultats scolaires (le statut-socio économique doit également être pris en considération).
• Les inégalités de genre sont considérées comme un problème dans de nombreux pays, mais les politiques globales visant à y remédier font souvent défaut.
« Si différents instruments politiques ont été mis en œuvre par les pays, en revanche les stratégies plus générales font souvent défaut. Plus précisément, bien que l’objectif d’assurer l’égalité des chances pour les femmes et les hommes soit poursuivi presque partout, seuls quelques rares pays ont identifié explicitement l’objectif de réaliser l’égalité des résultats ou ont mis en œuvre avec succès une stratégie d’intégration de la dimension de genre dans le domaine de l’éducation. Il existe certes de nombreuses mesures possibles visant à faire évoluer les rôles traditionnels de l’homme et de la femme, mais seuls quelques rares pays les ont mises en œuvre. »
• Programme d’études, orientation et climat scolaire pour lutter contre les stéréotypes sexistes
• Et nous passons sur les vertes et les pas mûres…
Ce qui se fait jour ici, c’est l’origine de l’impulsion : la Théorie, le paradigme sociétal, le renouveau d’une étude, la manière d’aborder un thème, les hypothèses qui ont été dégagées. Les études sur le genre sont entrées par une petite porte annexe de l’Europe, au fin fond d’un bureau où un rapporteur transpose les conclusions d’un savoir dans le marbre d’une feuille de papier glacé au format A4. Plus tard, ce travail irriguera les décisions en matière d’éducation, les résolutions, les directives : bref, tout ce qui impliquera une réforme. Cette réforme a grossi de manière asymptotique, elle est à nos portes et vise vos enfants.
Voilà pourquoi Najat part à l’ONU : pour aller gratter à la petite alvéole d’une gigantesque ruche : la petite alvéole du Genre. Elle va butiner, frotter ses petites ailes contre les petites ouvrières. À la rentrée de septembre, elle n’aura plus qu’à distribuer le nectar à toutes nos petites têtes blondes.
Mais il ne s’agira plus alors d’une décision larvée : la théorie a fait son miel, il est temps de déguster.