MODE D’EMPLOI : COMMENT JUSTIFIENT-ILS LA THEORIE DU GENRE

Les chercheurs concernés n’aiment pas entendre « Théorie du Genre » (l’expression est cataloguée « droite désapprobatrice et réactionnaire »). Ils sont bien plus nuancés, fins et délicats – alors que « Théorie du Genre » ça sonne un peu idéologie, un peu grande botte en cuir si vous voyez ce que je veux dire. Les chercheurs, à la suite de l’historienne américaine Joan Scott parlent des études sur le genre comme d’une « catégorie utile » pour analyser les différences entre les sexes en tant que construction sociale relationnelle et hiérarchisée à l’intersection d’autres rapports de pouvoir, en particulier d’âge ou de classe. [Retenez bien, il y aura bientôt une interrogation écrite].
Les études sur le Genre en France sont apparues dès les années 1950 en sociologie politique et dans les années 1970 en histoire et en sociologie du travail. Dans les années 1990, ces études s’accompagnent d’une interrogation sur les angles morts conceptuels et méthodologiques des sciences, en particulier humaines et sociales.
Aujourd’hui, le genre, cette « catégorie utile », nous pourrions ajouter « englobant », est au service d’un projet de société global qui, sous couvert d’imposer une égalité homme-femme totale (et idéale, et imaginaire), se propose de repenser entièrement le modèle français d’égalité. Bien évidemment, repenser ce modèle passe par le fait de repenser les stéréotypes sexués et le socle familial.
Comment justifier pareil chamboulement ?

L’EGALITE D’ABORD

Les acteurs de l’égalité ont une mission sacrée : fortifier et préserver l’égalité devant le droit entre les hommes et les femmes. « Car aujourd’hui on ne peut pas dire que l’on ait atteint un monde idéal. La troisième génération féministe est celle de l’effectivité des droits, garantir que l’égalité soit garantie : agir sur les mentalités, les stéréotypes et les représentations sexuées des stéréotypes qui assignent chaque sexe à un rôle bien particulier et bien entendu inégalitaire. » [Najat Vallaud-Belkacem]
Il faut donc, puisque les instruments législatifs au service de l’égalité ont montré leurs limites, imposer l’égalité dans les faits. Rendez-vous compte, en quelques années, des avancées majeures vous ont donné les clefs d’un fantastique parc d’attraction avec glaces gratuites et tours de manège à volonté et personne n’en profite. Le parc d’attraction est un échec. Comme le gouvernement est soucieux de votre bonheur, il souhaite vous contraindre à visiter le Parc d’Attraction. Tout va bien se passer, c’est de l’Egalite on vous dit, vous ne pouvez pas être contre l’égalité, ce n’est pas possible. Les débats télévisés à venir risquent fort de caricaturer une célèbre publicité : « Tiens tu as l’air malade ? – Oui – Tu es sous antibiotique ? – non – ben alors t’es pas malade – Ben si – Donc t’es sous antibiotique ? – – Ben non… »
L’Egalite n’est plus une norme juridique, elle devient une norme politique et sociale. Ce n’est plus un idéal, c’est un cap à atteindre le plus rapidement possible, et si possible dès la fin du quinquennat. Vu qu’il y a du travail, vous comprendrez qu’il faut s’y mettre rapidement.

PUISQU’ON VOUS DIT QU’EN FAIT ÇA NE MARCHAIT PAS

.Les chercheurs et chercheuses en Genre ont eu à cœur ces dernières années de compiler un immense catalogue de données afin d’aider les politiques à justifier leur action. L’égalité, dans les faits, n’est pas atteinte ; le bilan est même catastrophique : les femmes continuent d’élever leurs enfants, personne ne s’intéresse au foot-féminin alors que notre équipe gagne plus de championnats que les hommes, les hommes veulent être ingénieurs et les femmes continuent de fantasmer sur le métier de styliste. Bref, c’est catastrophique. Les chercheurs et chercheuses ont tout consigné, tout noté. Désormais, sur un plateau télé, notre ministre des droits des femmes peut dire que tant de pourcentages de femmes font ça, souffrent de ça, etc. Ces chiffres ont un autre intérêt : évaluer les politiques futures. Quand on aura mis en place des réformes inspirées par la théorie du genre, on sera en mesure de pouvoir transformer ces pourcentages en courbes de progression. Le ministère deviendra un gigantesque écran de contrôle et pourra manœuvrer en fonction d’une oscillation qui ne devra pas dépasser 45/55. Le rêve absolu sera atteint lorsque une part égale d’hommes et de femmes regarderont ensemble le foot féminin et le foot masculin, et ce en leur garantissant une audience semblable. (On ne vous parle même pas de l’égalité salariale)

 

FÉMINISME ET EGALITE DES SEXES : UNE LONGUE HISTOIRE ?

Qu’on se le dise : les féministes du XIXème siècle n’ont rien avoir avec celles des années 2000. Une suffragette aurait sans aucun doute désapprouvée une femen, même si la femen s’extasie de leurs combats. La généalogie féministe cherche souvent à prouver le contraire. Combien de fois les journalistes ont-ils été déçus lorsque, tendant le micro à une féministe à l’issu d’une « avancée sociétale », cette dernière se sente obligée de nuancer l’allégresse générale par un : « c’est très bien mais il reste encore beaucoup à faire, ce n’est qu’un premier pas. Notre combat ne s’arrête pas là ». Ce passage de relais aux générations suivantes lui permet d’imaginer qu’elle a elle-même reçu un flambeau qui se reçoit depuis des générations, depuis que Jeanne d’Arc s’est coupée les cheveux.
Or, ce mythe est faux : les termes d’égalité et de liberté ne renvoient pas aux mêmes réalités sociales ni aux mêmes enjeux selon les périodes et les contextes. Ces notions d’égalité ou de liberté sont d’abord liées aux différentes façons de penser et d’agir contre l’inégalité des sexes. Reste à déterminer où placer le curseur de l’intolérable lorsque l’on jauge cette inégalité. Les féministes identifient trois vagues de luttes. La première correspond à la révolution française et à Olympe de Gouges et s’achève avec les suffragettes et la seconde guerre mondiale. La seconde vague correspond au mouvement féministe des années 1970. La troisième vague est celle des années 1990 : les féministes s’associent alors avec les mouvements LGBT et revendiquent la parité.
La première vague visait à autoriser les femmes à paraître dans l’espace public et à leur offrir une existence politique. C’est aussi le temps des revendications sociales d’égalité dans le travail.
La seconde vague était celle de la liberté du corps et cherchait déjà à faire exploser la distinction entre le public et le privé et à penser le personnel et le privé comme politique. La violence faite aux femmes et l’avortement étaient des sujets majeurs.

OÙ ON EST AU JUSTE, AUJOURD’HUI ?

La troisième vague, celle que nous connaissons, est celle des revendications concernant le genre, la parité et les intersections (transsexualité, bisexualité, etc.). Contrairement à tous les autres que nous approuvons car il est légitime que les femmes prennent la parole à propos de problèmes relevant de la sphère publique, cette troisième vague est plus radicale dans ses confrontations à l’Être. Les féministes posent la question des catégories « femmes » et « hommes ». C’est le temps des déconstructions théoriques radicales. Les féministes sont appuyés par les mouvements gays, lesbiens, trans, queer et inter-sexes qui prônent la politisation et la démocratisation de la sexualité et réclament le mariage de personnes de même sexe, la reconnaissance de l’homoparentalité et les droits de celles et ceux qui échappent à la catégorisation binaire des sexes. Autant de sujets qui renouvellent les questionnements et mettent à mal la norme hétérosexuelle. Judith Butler développe une pensée politique à partir du lesbianisme et invite à dénaturaliser les identités et la notion de différence sexuelle (vous avez bien lu le mot « dénaturaliser »). La catégorie « femme » se trouve être analysée comme forgée par les sociétés et n’ayant pas de validité en soi. Les normes hétérosexuelles sont aliénantes (aliénantes, c’est pas loin de fascisantes…). Le patriarcat est un diktat psychologisant des identités. Bref : sus à l’hétéronormativité !!!
On voit bien qu’il ne s’agit plus de simplement changer les lois et obtenir plus de droits, la portée de leur combat, que nous n’avons pas peur d’appeler « idéologie du genre », est beaucoup plus ambitieuse et tranche radicalement avec les gentilles suffragettes du début du XXème siècle.

LA SITUATION ACTUELLE : LES INSTRUMENTS DE L’ÉGALITÉ NE PEUVENT PAS RÉPONDRE AU DÉFI DE LA PERSISTANCE DES INÉGALITÉS.

Aujourd’hui, l’égalité en droit est acquise. Il s’agit d’appliquer la législation. Le problème des féministes repose sur l’ineffectivité des lois : ça ne marche pas ; l’égalité idéale et universelle n’est pas atteinte. Pourquoi ? À cause de l’histoire du Parc d’Attraction tout neuf dans lequel les gens ne vont pas : parce que le législateur a conçu un système reposant sur un volontariat plus ou moins organisé et que les femmes ne se sont pas appropriées ces dispositifs. On dit « ineffectif » .C’est un mot différent de celui d’ « inefficace ». Ineffectif ça veut dire que les dispositifs existent, qu’ils fonctionnent en théorie mais leur problème c’est qu’ils ne sont pas mobilisés. La demande sociale d’égalité ne s’exprime pas sur le terrain. Les gens s’en foutent, ou alors ils sont résignés. Les féministes sont coupées de la base. Le gouvernement essaie d’y remédier par des dispositifs : discrimination positive ou égalité des chances ; mais ça ne marche toujours pas, l’idéal n’est pas atteint. Alors, il faut changer les mentalités. Personne ne doit abandonner la bataille ! Les gens s’en fichent ? C’est à cause des normes hétérosexuelles, c’est à cause des stéréotypes sexués, c’est parce que, depuis qu’elles sont petites, on explique aux filles qu’il faut qu’elles soient douces et coquettes alors que l’on tolère des garçons qu’ils soient teigneux et débraillés. C’est pour ça qu’il faut prendre le taureau de l’hétéronormativité par les cornes et changer les enfants.

 

MAIS D’OÙ LEUR VIENNENT TOUTES CES IDÉES ? DE L’EUROPE !!!

Le gouvernement a essayé de nombreuses stratégies (discrimination positive, égalité des chances, campagnes de communications, …) mais ça ne marche pas, ou alors pas assez vite. Le genre intégré à l’ensemble des politiques publiques devient alors l’ultime recours : l’arme de destruction massive ultime – rien n’échappe au souffle de l’explosion. Cette façon de faire a été promue par les instances internationales dès les années 1990. Cela se nomme le « gender mainstreaming » et c’est EXACTEMENT ce que fait notre ministère des droits des femmes ! Le gender mainstreaming a été proposé en 1995 par les ONG européennes lors de la IVème conférence mondiale des femmes à Pékin et, depuis lors, a été largement encouragé par l’Europe. Le Conseil de l’Europe s’est expliqué à ce sujet. Selon le Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l’égalité du Conseil de l’Europe, le gender mainstreaming est : « la (ré)organisation, l’amélioration, l’évolution et l’évaluation des processus de prise de décision, aux fins d’incorporer la perspective de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement impliqués dans la mise en place des politiques. » La logique du gender mainstreaming est totale. La discrimination positive, c’est de l’artisanal : il s’agit de corriger le tir au cas par cas. C’est long et fastidieux. Le gender mainstreaming, c’est une bombe atomique. C’est radical. Il s’agit de prévenir les éléments discriminants éventuels des politiques – ce que le ministère des droits des femmes a déjà fait en organisant une journée de sensibilisation obligatoire pour tous les ministres du gouvernement. Le gender mainstreaming a pour objectif d’être pérenne et systématisé. Il vise à établir que chaque mesure politique soit orientée dans une perspective de Genre. C’est forte de sa conviction léguée par le Conseil de l’Europe que Najat ne cesse de répéter que « tout est lié ». Le caractère invasif de cette méthode est pour le moins préoccupant. Nous pourrions dire orwellien. Il est à la mesure des ambitions de notre gouvernement. Le Genre partout, l’hétéronormativité nulle part. Petit à petit, se dessine la société de demain.

3 réflexions sur “MODE D’EMPLOI : COMMENT JUSTIFIENT-ILS LA THEORIE DU GENRE

  1. Vous trouverez également une analyse extrêmement pertinente sur « La théorie du genre : symptôme d’une société narcissique, manipulée et fascisante ? » par Yann Carrière, docteur en psychologiehttp://www.homme-culture-identite.com/article-la-theorie-du-genre-symptome-d-une-societe-narcissique-manipulee-et-fascisante-par-yann-carr-116789595.html

  2. Très bon article. C’est tout à fait ça. Il faut ajouter que cette manipulation commence à l’école maternelle depuis septembre 2013, avec le programme « ABCD de l’égalité ». Ce programme est testé dans 500 à 600 classes dont les établissements sont tenus soigneusement secrets par les rectorats. Essayez d’écrire à un rectorat pour demander la liste des écoles où il est testé ! Ce sont les parents qui sont testés…

  3. Pingback: “Théorie du genre”: personnification et agentivité | (Dis)cursives

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